Lecture, cerveau et dyslexie
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On l’a vu précédemment, le cerveau se modifie en permanence, se sculpte sous l’effet de l’apprentissage et par conséquent un cerveau différent n’implique pas forcément un trouble neurologique, mais peut simplement être le reflet du niveau d’expertise d’une compétence. C’est l’idée que soutiennent deux chercheurs dans une publication récente de la revue Brain Sciences,« Is Dyslexia a Brain Disorder ?« , où ils s’attaquent au « dogme » de l’origine neurologique de la dyslexie et suggère que celle-ci est plutôt le résultat de différences interindividuelles :
Cependant, les différences dans les cerveaux existent certainement chaque fois que des différences de comportement existent, y compris des différences dans la capacité et la performance. Par conséquent, les découvertes de différences cérébrales ne constituent pas une preuve d’anomalie ; elles documentent plutôt simplement le substrat neuronal des différences de comportement.
La conclusion de ces chercheurs est tout a fait en accord avec deux publications récentes, dont une étude française rapportée dans un article de Sciences et Avenir, où des chercheurs ont visualisé, pour la première fois, comment se forme la zone cérébrale dédiée à l’apprentissage de la lecture chez l’enfant. Ils ont montré que cette zone n’existe pas chez l’enfant pré-lecteur et apparaît petit à petit sous l’effet de l’apprentissage :
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Extrait de l’article :
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Une zone d’activité émerge peu à peu dans l’hémisphère gauche
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Les chercheurs ont alors constaté que, chez les enfants, chaque catégorie d’image active, comme chez l’adulte, une zone spécialisée du cortex visuel. Sauf pour les mots. Au départ (grande section de maternelle) la « boîte aux lettres » (qui répond plus aux mots qu’aux images) n’apparaît pas chez les enfants. Elle peut commencer à s’activer dès fin novembre de l’année de CP pour certains. Pour les autres, elle émerge plus lentement, la réponse de cette région étant proportionnelle aux performances de lecture. Un an plus tard, une fois la lecture des mots familiers automatisée, la zone, bien en place, persiste dans l’hémisphère gauche. Les enfants savent lire, et ça se voit dans le cerveau !
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A quoi servait donc cette région cérébrale avant d’être spécialisée dans la lecture? Les chercheurs sont retournés aux premiers IRMf pour le savoir. Ils ont alors découvert que la « boîte aux lettres » était « libre »avant l’apprentissage. En revanche — IRM f à l’appui —, son développement entraîne le blocage du développement de la zone liée à la réponse aux visages dans l’hémisphère gauche. « Nous apprenons donc à lire aux enfants à un moment de plasticité de cette région qui augmenterait sa réponse aux visages dans le milieu naturel », expliquent les auteurs. Autrement dit, les enfants pourraient développer davantage la reconnaissance des visages s’ils n’apprenaient pas à lire.
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L’article dans son intégralité : Comment le cerveau apprend à lire
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Dans une étude pécédente, d’autres chercheurs avaient réalisé des IRM fonctionnelles à 27 enfants norvégiens de familles dyslexiques, avant que l’apprentissage de la lecture ne commence et jusqu’à après que la dyslexie ne soit diagnostiquée. Ils ont ainsi pu déterminer que les anomalies neuroanatomiques primaires qui précédaient la dyslexie n’étaient pas situées dans la zone de la lecture elle-même, mais plutôt dans des zones de niveau inférieur, responsables du traitement auditif et visuel et des fonctions exécutives de base. Les anomalies de la zone de lecture elle-même n’ont été observées qu’à l’âge de 11 ans, après que les enfants aient appris à lire. Les résultats suggèrent que les anomalies dans la zone de lecture sont la conséquence d’ expériences de lecture différentes, plutôt que la dyslexie en soi, alors que les précurseurs neuroanatomiques se situent principalement dans les cortex sensoriels.
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L’article en anglais :
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La première image, représentant les aires activées lors de la lecture chez le dyslexique et le lecteur normal, provient de l’article : L’imagerie du cerveau dévoile les secrets de la dyslexie