L’enfant semble perdu face à son travail, c’est comme s’il n’avait pas de repères; il ne sait pas par où commencer ni comment continuer. Il a de la difficulté à faire deux choses à la fois, si je parle pendant que les élèves écrivent, soit il s’arrête pour m’écouter, soit il continue son travail, mais n’a aucune idée de ce que je viens de dire. De même, il aura du mal à gérer deux contraintes simultanées : “soigne ton écriture et vérifie l’orthographe”.
J’ai le sentiment de répéter toujours les mêmes consignes, encore et encore. L’enfant a beau écouter (la plupart du temps, c’est le cas), on dirait que les choses ne s’impriment pas. C’est comme s’il ne retrouve pas le chemin pour y arriver.
Dans ces situations, un sentiment d’agacement peut rapidement émerger, avec l’envie de bousculer l’enfant. Pourquoi cet élève, qui semble intelligent, ne parvient-il pas à retenir et restituer ce que je lui enseigne? Le fait-il exprès? Est-il flemmard? Est-il à ce point assisté à la maison qu’il n’a aucune autonomie?”
Irritation. Impuissance. Ce sont des sentiments à dépasser si l’on veut comprendre et aider.
De son côté, l’enfant se sent probablement aussi perdu.
Intelligent, il a pleinement conscience de ses difficultés à faire face aux tâches demandées, mais ne peut pas décrire ce qui ne va pas.
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Pour éviter à l’enfant et l’enseignant de s’enfermer dans une incompréhension mutuelle, pour trouver un soutien et des pistes.
Il est alors important pour lui comme pour moi d’avoir un regard extérieur. Dès que les troubles évoqués ci-dessus durent plus de quelques semaines, qui sont de l’ordre de la mise en route, je n’hésite plus à voir les parents, puis à faire appel aux spécialistes. Ensemble nous pouvons trouver des pistes, développer des stratégies, adapter le matériel, les exigences, les évaluations.
Pour l’enseignant que je suis, ce dernier point est souvent difficile ; adapter les exigences, n’est-ce pas injuste pour les autres enfants? À l’école, nous sommes si souvent attachés à cette idée : ne pas faire de différences! Je me suis laissé remettre en question par cette remarque d’un spécialiste “La véritable injustice n’est-elle pas de lutter avec une dyspraxie, une dyslexie, un trouble d’attention (…), de travailler plus que les autres pour un moins bon résultat, de ne pas pouvoir montrer ce qu’on sait, ni restituer ce qu’on a appris?”
J’ai déjà pu constater qu’un enfant “dys-” qui se sent compris, aidé, et que l’on valorise, peut développer des stratégies et devenir acteur de ses apprentissages. Il ne faut pas minimiser la capacité d’un enfant de trouver ses propres façons de faire, efficaces et innovantes! Ses difficultés ne disparaissent pas, mais il sait qu’il peut apprendre, se construire et connaître des situations de réussite. Et c’est si gratifiant pour tout le monde !